14/09/2010

15. Méfiez-vous des enfants sages - Cécile Coulon


"Il n'y avait aucune raison de se faire du souci, Dieu était là, il veillait au grain, perché sur son cumulus, la bière en équilibre, avec une paire de jumelles cerclées d'or pour me surveiller. C'était cool. Mais c'était fini. Tout est fini. Si Eddy était encore là, je suis sûre qu'il comprendrait. Nous étions deux dans cette foutue rue à croire réellement en Dieu, et nous nous arrangions avec lui quand nous en avions besoin. Maintenant, je suis toute seule, et je n'ai pas envie d'arranger quoi que ce soit, je n'ai pas envie de rafistoler les morceaux de foi avec du vieux Scotch, histoire de montrer que jai essayé d'oublier, ou de vivre avec. Je ne veux pas croire que tout est bien qui finit bien. Eddy n'était pas un mec bien. Alors Dieu, ou Jésus, je vous ai toujours confondues de toute façon, prends tes cliques et tes claques, retourne là d'où tu viens, enlève moi cette couronne à la con et trouve-toi des fringues propres. Cherche un taf, un vrai, fais-toi des mots croisés, appelle tes potes de la Cène et organise un barbecue avec merguez et sauce piquante, et surtout ne me dis plus ce qui est bien ou mal, n'essaie pas de me montrer le chemin, parce que tu tout ce que tu as fait dans ta longue vie d'Éternel, il n'y a pas de quoi être fier. Vraiment pas."

Tout le ton du livre est comme ça. Grinçant, cru, dérangeant. Et puis en même temps, c'est une jolie histoire.
Quoique non, l'histoire elle est dégueulasse. Cette jeune fille, Kerrie, qui s'en va loin, loin et qui revient. Obligée. Cet homme qui n'a rien fait de sa vie, Markku. Qui ont eu une petite fille, Lua.
"Je m'appelle Lua, et je déteste le chocolat noir".
Sa maman relit sans cesse Le Royaume des Mouches, et elle est triste. Son père lui, il a ramené la Grande Araignée, celle qui bouffe le cerveau de sa fille. Et sa fille qui est amie avec son voisin fou, bizarre, mais qui croit, qui croyait en Dieu. Et puis, aussi elle était amie avec cette fille borgne, Kristina, qui est partie, loin, sur une île. Et aussi ce prof, un peu fou avec ses cheveux blancs, Freak, son confident.
Cette petite Lua, ses grandes peurs, ses souhaits, ses désirs. Son trafic de réglisse, ses longs cheveux, et Dieu aussi.
Et puis Eddy, le voisin, il est mort. Et son papa, il est parti, loin, en Australie, et sa mère, elle s'en fout, elle couche avec d'autres hommes. Et Lua.
"J'ai arrêté de croire en Dieu, j'ai arrêté de croire qu'il y'avait d'honnêtes gens sur Terre, j'ai arrêté de sourire pour rien, et je me suis dit que je devais faire comme lui, au moment où j'en aurais envie, et dire aux gens d'aller se faire mettre, une bonne fois pour toutes."

Il est écrit ça sur la quatrième de couverture. Blanc sur noir. C'est pour ça que j'ai choisi ce livre. Et pour le titre aussi. Et la couleur rouge du bouquin.
C'est grinçant, c'est gribouillé au stylo bille cette merde. Ça pourrait commencer bien, mais les couleurs sont déjà fades et effacées. Comme un dessin au crayon de couleur noir qu'on tenterait d'effacer à la gomme ; ça s'en va jamais.
C'est l'effet que m'a fait ce livre. Il ne délivre pas de messages positifs, pas d'espoir grandiloquent, c'est pas romantique et joli. Toutes les choses jolies, toutes les choses belles, toutes les choses que nous faisons en sorte qu'elles soient pour une existence merveilleuse, si ce n'est tranquille, mais souriante. Et bah, tout ça, quoiqu'il en soit, ça s'en va.
Et l'inconfort naturel, la haine, la crasse, tout ce qu'on recouvre de jolis couleurs, ça s'en va jamais.

En somme, un bon livre. Pas un joli moment, j'avais le ventre noué. Mais un très bon livre, qui se lit rapidement. Des personnages forts, et une histoire décousue, et rapiécée grossièrement, comme un patchwork mal fait qui est pourtant bien solide.
À lire.

(Et en bonus, une superbe playist 50s-60s-70s à la fin, pour accompagner la lecture.)


Méfiez-vous des enfants sages - Cécile Coulon
Ed. Viviane Hamy
16euros.

08/09/2010

14. J.H. Fragonard


Jean Honoré Fragonard (1732 - 1806)
Une petite visite au Louvre en ce temps pluvieux, et quel plaisir d'être au chaud, et de (re)découvrir avec délice des oeuvres comme ça. Non, je ne vais pas au Louvre voir la Joconde et la Vénus de Milo (si c'est le cas, on revient les yeux embrumés des flashs japonais), moi je viens me perdre dans un bâtiment royal.
Et ce fut mon coup de coeur du jour. Une douceur coquine, comme un chamallow acidulé, épicé. Une chaleur pastelle. Du XVIIème impressionniste presque.
J'aime Fragonard.

(Je ne ferais pas de biographie, parce que Wikipédia le fait mieux que moi. Et je ne suis pas étudiante en histoire de l'art, alors de la même façon que je ne permettrais jamais de critiquer Flaubert ou Kundera (même si c'est pour en faire l'éloge), je n'ai rien d'autre à vous dire que j'aime, et à vous le faire partager. Un peu.)



Renaud dans la forêt enchantée face au fantôme d'Armide

Les Curieuses
Le feu aux poudres

(si on clique sur les images, ça apparait en plus grand. déjà que la qualité internet est nulle, mais sur blogpost, ça devient presque moche)

06/09/2010

13. Les Déferlantes - Claudie Gallay



Sur le livre, il y a une jolie photo de vague, d'écume, et on sentirait presque l'odeur d'iode. En plus, avec ce titre, j'ai juste envie de faire du stop jusqu'à la côte océanique la plus proche, pour m'empiffrer de crêpes au beurre salé, le menton perdu dans une grosse écharpe en laine multicolore, et les pieds dans le sable, et un soleil couchant sur la mer. Ouais, tout ça.
Et puis, sur la couverture, il y aussi le tampon du Grand Prix littéraire des lectrices de Elle, dans la catégorie Roman 2009.
Alors, je l'ai piqué sur la table de chevet de ma mère, et alors que je prenais un train vers le soleil, à Gare de Lyon, la couverture du livre était sur de grands affiches, et ça m'a fait sourire, parce que j'avais le livre dans mon sac.

Alors, quand le train numéro jenesaisplus, à destination de Marseille qui s'arrêtera à Valence démarrait, j'ai ouvert le livre.
Dehors, il faisait déjà chaud et sec (doux été, qui disparait peu à peu d'ailleurs), et dans le livre il faisait froid et humide. Ça commençait bien. (C'est comme lire Les petits chevaux de Trintignan de Duras en attendant son train supprimé à Saint-Denis, un 12 janvier, à 7h40.)

Et puis, en fait non. L'histoire s'écoulait, s'étirait, comme un chewing gum qu'on étire à l'infini. Un chewing gum sale en plus. L'histoire se trainait en longueur. J'avais froid à cause de la clim' dans le train, et plus parce que j'étais au bout de la pointe du Contentin, à la Hague, en plein automne. Et je ne sentais pas l'odeur d'iode, mais du sandwich thon-crudités du gosse à côté de moi.

C'est l'histoire d'une narratrice qui n'a pas de prénom, qui à mal de "lui", et qui s'échappe loin de son Sud pour "travailler". Mais ça, c'est qu'elle dit, en vrai, elle souffre cette anonyme. Mais elle fait ça bien, attention, sans plainte, et juste quelque larmes dans le coin de sa chambre balayée par les courants d'air.
Et un jour, Lambert débarque au pays, cet orphelin, qui doit revendre sa maison d'enfance.
Et cette inconnue du Sud, elle fait comme si elle était née ici, elle raconte l'histoire de la Hague, de la vieille Nan, de Théo et ses chats. Et puis, forcément, même si ce n'est pas aussi cru qu'on le voudrait (non, ils ne couchent pas tout de suite ensemble), il y a du flirt dans l'air.
Et en plus, ça se finit bien cette histoire de souffrance, de grisaille, de sable dans les chaussures, et tous ces morts, tous ces non-dits qui sont salis de poussière et de gras, bah, tout ce petit monde finit au soleil, en souriant. Magnifique.

Dit comme ça, ça a l'air plutôt pas mal, hein ? En plus, je ne dis pas tout, je ne vais pas briser le suspens (haletant ! Ou pas.) mais il y a une longue histoire, comme un fil rouge d'un grand frère qui veut savoir si oui ou non le phare était allumé ce soir là, si oui ou non, c'est Théo qui a tué sa famille.
Une vraie enquête policière en somme, avec le chants des mouettes par dessus.
Sauf qu'au lieu de ça, l'histoire qui commençait bien s'enlise dans le sable mouillé, se laisse bouffer par les crabes, et quand elle se retrouve dans les courants marins, elle n'essaye même pas de se débattre pour remonter à la surface. En gros, cette histoire est morte d'avance, et je me suis ennuyée de la vingtième page à la dernière.
Au début, on croit que ce n'est qu'un effet stylistique, et ça plait, cette langueur, cette attente. Et j'ai aimé ça. Et puis, après, pendant tout le reste de mon voyage en train, et le reste de mon séjour en Ardèche, j'ai attendu le frisson, le moment où tout se déclencherait enfin ! Et puis rien. Ou peut-être deux lignes sur 500 pages.

Alors c'est peut-être le livre de l'été, et peut-être que je n'aime rien aussi. (On me le dit souvent.) Mais n'empêche, que c'était bien décevant, et que je me suis bien ennuyée. Dommage.

(Les Déferlantes (2008) - Claudie Gallay. Éditions Flammarion, collection J'ai lu)

06/08/2010

12. James Ensor


holidays. Belgium. so museum.

James Ensor (1860-1949)

« Ne remuons plus ce grand cadavre flamand. Aujourd'hui mannequin creux, décoloré, animé par quelques criquets agressifs. Flandrophyliseurs intempestifs, désorienteurs déclassés délirants, vos excitations intéressées de siffleurs décalqués restent sans écho. L'art moderne n'a plus de frontières. À bas les rembrunis acariâtres. Fromagers égoïstes et sirupeux. Alarmistes frontiérisés. Charcutiers de Jérusalem. Moutons de Panurge. Architectes frigides et mélassiers, etc. Vive l'art libre, libre, libre ! »
Ensor aux masques - 1889

L'intrigue - 1890

L'entrée du Christ à Bruxelles - 1898

L'entrée du Christ à Bruxelles - 1898


Clowns rouges et blancs évoluant - 1890

La mort et les masques - 1897

Le banquet des affamés - 1918

Le foudroiement des anges rebelles - 1889

Masks confronting death - 1886

Nature morte avec vase de fleurs - ?

Squelettes dessinant des puérilités - ?

Vieille dame avec masques - 1889

Squelettes se disputant un hareng-saur - 1891

26/07/2010

11. "Toute la volonté du peintre doit être silence" (Cézanne)


Les cigales, les oliviers, le rosé, la lavande et la Sainte Victoire. C'est cliché, mais c'est vrai, et j'aime ça.
Entre les calanques de Cassis (à voir pour l'eau turquoise, et le plaisir de se baigner, seule), les montagnes, et 36° degrès à l'ombre, je comprends pourquoi la Provence a inspiré tant d'artistes, parmi lesquels compte évidemment Cézanne.


Ainsi, le musée Granet à Aix-en-Provence, propose une rétrospéctive sur le traval d'Alechinsky jusqu'au 3 octobre.
Quelque chose comme 170 oeuvres sont exposées de nature variées ; peinture, céramiques, dessins, livres.


Cet artiste belge, né en 1927, s'inscrit dans le mouvement surréalisme et expressionisme en se liant d'amitié avec de nombreux artistes tels que Giacometti, Dubuffet ou Micheaux. Et même plus encore, il crée un collectif CoBrA avec d'autres arstistes originaires du Nord de l'Europe, et ils s'inscrivent dans un mouvement qui pousse à la plus totale spontanéité, et le refus de la spécialisation.

Le musée Granet montre alors toute l'étendue de l'oeuvre de l'artiste. De ses oeuvres gigantesques, représentatives de son travail, à ses céramiques, drôles et touchantes à la fois.
On découvre de la même façon sa collaboration avec différents auteurs, et son travail d'illustration, relativement important. (On retient particulièrement, pour l'anecdote, ce livre de deux centimètres carré.) Et puis, de nombreuses encres sur de vieux papiers, certains datant même du XVIII siècle.


La mer noire (1988 - 1990) _ ?

En somme, une petite exposition qui met bien en valeur le travail de l'artiste, et une jolie balade où l'on oublie qu'on est à Aix, et où l'on se croit sur un bateau noir, à regarder un ciel coloré.



Et puis, on peut également voir à 15 kilomètres du centre d'Aix, le château de Vauvenargues, dans lequel Picasso vécut, entreposa ses oeuvres, et est enterré avec sa femme.
Le château est situé juste en face de la Sainte Victoire, et Picasso s'exclama d'ailleurs "J'ai acheté la Sainte Victoire !" en parlant de cette demeure. En effet, la propriété qui appartient aujourd'hui à sa petite fille (si je ne dis pas de bêtises) comprend également un pan de la montagne, jusqu'au mont adoré de Cézanne.
Le château ne présente pas d'interêt tout particulier, ni dans son architecture très simpliste, ni par son intérieur, dont il ne reste à peine quelques meubles appartenant à Picasso.
Le plaisir est juste celui de savoir que Picasso a foulé ce sol avant nous, et puis la balade, qui vaut vraiment le coup.

La Montagne Sainte Victoire - Cézanne (?)


En bref, la Provence, c'est bien, c'est beau, il y a des tonnes de choses à voir, entre la montagne et la mer, et je suppose qu'on doit s'y faire aux chants des cigales ?